” Nous n’inscrirons pas nos enfants dans votre école Montessori” ou “nous changeons notre enfant d’école” … “car nous cherchons une structure où ils soient un peu plus encadrés. “
Cette phrase, depuis plus de 20 ans, je l’entends régulièrement et je souhaite la commenter car les parents qui pensent que dans le système traditionnel les enfants du niveau élémentaire seront plus cadrés que dans notre école sont totalement dans l’erreur. Je tiens à expliquer pourquoi :

La première raison est d’abord le nombre d’élèves par éducateurs : en effet, dans l’école primaire traditionnelle, les enfants sont au minimum entre 22 et 25 pour un seul professeur. Dans notre école, ils sont au maximum 22 pour 2 personnes, voire 3 ou 4 personnes. Nous sommes en permanence en binôme dans la classe de primaire français dont je suis l’enseignante titulaire. Il y a une enseignante supplémentaire pour la classe primaire anglaise. Nous avons également un professeur de musique, un professeur d’art et un professeur de sports pour prendre soin des enfants. Dans l’école traditionnelle, c’est un seul enseignant qui prend tout cela en charge.
J’ai tendance à penser que, plus il y a d’adultes pour s’occuper des enfants, mieux ils sont encadrés…
Deuxième raison : dans les spécialités comme l’art, la musique ou le sport, les enfants sont mis par groupes d’une dizaine d’enfants, avec des professionnels de la matière, ce qui implique que ces enseignements sont encore mieux cadrés.
En effet, comment réussir à enseigner parfaitement le français, les maths, l’anglais, la musique, le dessin, le sport, etc… à un groupe de plus de 20 élèves sans être un professionnel compétent de chacune de ces matières ?
On demande l’impossible aux instituteurs de l’école publique car, quelque soit la qualité de la formation reçue, il est inimaginable d’être un professionnel averti de toutes ces matières en mesure de les enseigner parallèlement et correctement.
Troisième raison : lorsqu’un groupe est en musique, ou en art, ou en sport, il ne reste dans la classe qu’une dizaine d’élèves pour 1 ou 2 enseignants… Existe-t-il de meilleures conditions pour cadrer leur travail et leur comportement ?

Quatrième raison : comme je l’ai expliqué dans un précédent article, dans notre école Montessori, les enfants ont tous un plan de travail individuel dans les différentes matières académiques, plan de travail réalisé par les enseignants pour toute l’année qui est un guide permanent pour l’élève. Ainsi, l’enfant peut, à tout moment, évaluer sa progression dans le programme. Il en est de même pour les professeurs qui le suivent et pour ses parents qui peuvent, au quotidien, apprécier ses progrès. Quoi de plus cadré ?
Dans l’école traditionnelle, où les parents d’élèves ne sont pas les bienvenus, comment savoir ce que l’enfant a étudié ? Où en est-il par rapport au programme officiel de son niveau de classe ? Quel est son rythme de travail en classe, etc… ? Seules les bonnes ou mauvaises notes ainsi que les appréciations du professeur (rarement élogieuses…) apportent des éléments dans ce sens.
- “Discipline must come through liberty” M.Montessori
A l’école Montessori, à l’intérieur du cadre très étudié et relativement rigoureux décrit plus haut, l’enfant possède sa propre liberté : liberté de commencer par la matière qu’il désire, liberté de se déplacer dans la classe, liberté de choisir un matériel plutôt qu’un autre, liberté de s’assoir où il veut, liberté de travailler sur un tapis par terre ou à une table, liberté de parler doucement avec ses camarades, liberté de demander l’aide individuelle à ses professeurs, liberté d’exprimer ce qu’il ressent, liberté de dire ses envies ou ses besoins, liberté d’être créatif, liberté de rester lui-même loin de toute velleité de le fondre dans un moule…

Il se construit ainsi en étant acteur à part entière de ses apprentissages. Et c’est ce qui permet de former des adultes autonomes, conscients de leurs capacités, créateurs, etc… comme vous pourrez le lire dans un article américain qui parle de beaucoup de célèbres entrepreneurs du monde d’aujourd’hui qui sont passés par une éducation Montessorienne.
- Des hommes d’affaires créatifs.

Cinquième raison qui permet de dire que dans notre école Montessori les enfants sont mieux cadrés que dans le système traditionnel : dans tous les moments hors scolaires, récréations, repas, garderie, sorties, les enfants sont toujours avec leurs professeurs. Ils déjeunent dans la classe avec les éducateurs qui savent ainsi toujours ce qui se passe pendant le déjeuner : est-ce qu’ils déjeunent seuls ou avec des amis, est-ce qu’ils mangent, est-ce qu’ils semblent heureux? Nous pouvons aussi avoir à ces moments-là des conversations privilégiées avec eux qui nous permettent de mieux les connaître et d’installer une relation de confiance mutuelle. Même chose pour les récréations, nous sommes à l’extérieur avec eux et les voyons évoluer dans un autre contexte qui permet de mieux les comprendre et mieux les aider.

Là encore, au sein de ce cadre assez contraignant, ils ont la liberté : liberté d’aller jouer dehors ou de rester à l’intérieur, liberté de déjeuner seul ou avec leurs camarades, liberté de manger ce qu’ils désirent, etc… En revanche, ils ont l’obligation de bien se tenir à table, de manger dans le calme, de respecter l’autre, de ranger et nettoyer quand ils ont terminé, de ne pas être turbulents, de ne pas rejeter un camarade, d’aller vers ceux qui sont seuls, etc… Sont-ils aussi encadrés lorsqu’ils mangent tous la même chose à la cantine, dans un réfectoire bruyant où le respect n’est pas toujours présent ? Sont-ils encadrés lorsqu’ils sont plus de cent jeunes enfants sous la surveillance d’un ou deux adultes dans une cour de récréation qui peut devenir en un rien de temps pour l’un ou l’autre de ces enfants un espace de violence et de non-droit ?

Une autre raison très importante : Nous avons toujours à l’esprit le souci de créer une relation de confiance mutuelle avec chaque enfant grâce à de nombreuses conversations libres lors des moments collectifs (cercles, snack, déjeuners, récréations, etc…) Ceci fait que nous les connaissons rapidement très bien. Nous pouvons par conséquent détecter et leur apporter exactement ce dont ils expriment le besoin à titre individuel (besoin qui sera différent un mois plus tard) en évitant d’apporter à tous la même chose au même moment.
Par exemple, pendant la dernière année scolaire, durant le déjeuner, je discutais à batons rompus avec une petite fille de 6 ans qui m’a raconté tout à coup qu’elle avait très envie de dessiner un volcan… Je lui ai immédiatement présenté le matériel Montessori relatif aux différentes parties du volcan. Elle s’est tout de suite passionnée pour le sujet et a voulu tout apprendre sur les volcans. Une fois cette passion assouvie, elle est passée à autre chose…

Encore une raison : la grande disponibilité que nous avons envers les parents permet aussi de très bien encadrer les enfants. En effet, la porte des classes est toujours ouverte, ils peuvent venir quand ils veulent et peuvent suivre le travail de leur enfant quand ils le désirent. Chaque matin ou chaque fin de journée, ils viennent chercher leurs enfants dans la classe. Nous sommes ainsi toujours ouverts à la discussion avec eux. S’ils préfèrent la communication par mail, je réponds très rapidement. S’ils préfèrent les SMS, c’est la même chose… ils reçoivent une réponse très rapidement. Ainsi c’est pour nous aussi un moyen supplémentaire de mieux connaître l’enfant et de lui apporter exactement ce dont il a besoin.
Je ne pense pas que dans les écoles traditionnelles, les instituteurs, pour la majorité, soient aussi disponibles. Les parents ont-ils leurs adresses mails ? Leurs numéros de téléphone? Peuvent-ils communiquer quotidiennement ? Peuvent-ils consulter les cahiers des enfants chaque jour ?
Ce qui est très surprenant aussi, c’est que les parents qui parlent d’un manque de cadre dans la méthode Montessori sont en général ceux qui viennent nous dire : « je n’arrive pas à faire faire les devoirs à mon fils ! », « il ne veut pas aller se coucher le soir », « je n’arrive pas à le réveiller pour aller à l’école », « il ne veut pas écrire », « il refuse de s’installer pour lire », etc…
Je ne pense pas que ces parents soient (consciemment ou non) totalement honnêtes dans leurs propos. Je pense plutôt qu’ils demandent à l’école une mission qui n’est pas la sienne : “visser” leurs enfants pour pallier ainsi leurs propres carences éducatives.
- Donner un cadre.
Souvent, ils disent suivre le conseil de leur pédiatre… Les pédiatres et autres psychologues de l’enfance se font la plupart du temps une idée complètement fausse de la pédagogie Montessori.
Il faut savoir que, en plus de vingt ans d’enseignement et de direction de mon école, les visites de ces professionnels dans ma classe se comptent sur les doigts d’une seule main. Nous ne les voyons jamais visiter nos classes. Ils ne viennent jamais nous interroger sur notre façon de travailler et sur l’ambiance de notre école. Ils diffusent par conséquent une opinion toute faite et sans fondement. En effet, quelqu’un qui n’a aucune information sur l’école et aucun aperçu du comportement de tel ou tel enfant dans sa classe, ne peut, à l’évidence, qu’émettre un jugement erronné sur l’influence qu’à cette école sur cet enfant.
Il serait important que les professionnels de l’enfance ainsi que les parents d’élèves relisent régulièrement les livres passionnants et si éclairés écrits par Maria Montessori. En voici ci-dessous un extrait qui traite de la liberté :
Le principe fondamental de la « pédagogie scientifique » est la liberté de l’élève :
« Cette liberté qui permet le développement de l’individu est une manifestation spontanée de la nature des enfants. C’est une idée que les tenants des méthodes des écoles ordinaires ont beaucoup de mal à comprendre car – se demandent-ils – comment obtenir la discipline dans une classe d’enfants libres ? Nous nous faisons, certes, une idée de la discipline différente de celle qui est généralement acceptée. En fait, lorsque est atteint un parfait état de liberté, apparaît la discipline, solennelle et simple, qui se rencontre chaque fois qu’il s’agit de créer quelque chose.
La discipline qui naît de la liberté, est nécessairement active.
Nous ne considérons pas qu’un enfant soit discipliné quand ses professeurs ont réussi à le rendre aussi silencieux qu’un muet et aussi immobile qu’un paralytique. Un tel individu n’est pas discipliné mais annihilé. Nous disons d’un individu qu’il est discipliné quand il est maître de lui-même et qu’il est capable de contrôler sa conduite dans les occasions où il faut suivre des règles. »
A méditer…
Sylvie d’Esclaibes
Après consultation des autres pages, je vois que l écrit auquel j ai répondu est par ailleurs adoucit par d autres écrits aux apparences plus tolérantes. Maria Montessori, comme les autres grandes figures de la pédagogie ont semé des graines pouvant germer dans toutes les parcelles, qu importe leur label, elles ont juste besoin que souffle un vent d intelligence, qui les portera encore un peu plus loin….
cordialement
Bravo et merci pour ces paroles qui disent si bien ce que j’aimerais savoir partager avec mon entourage. Il y a tellement de personnes qui ignorent ce qu’est la pédagogie Montessori et qui propagent des fausses idées sur elle. Merci pour ce magnifique blog et ce partage.
Merci beaucoup. C’est très gentil. A bientôt. Sylvie
Je trouve dommage qu’une pédagogie aussi intelligente se maintienne dans ce clivage de “système”, cette mentalité du” gnin gnin c’ est mieux chez nous” permets justement aux parents d’ adopter ce genre de posture…et de faire reposer leurs doutes, questions voire difficultés éducatives sur le bien fondé d un système plutôt qu’un autre. Tout comme vous je suis convaincue que le critère principal reste l accompagnement, sa qualité certes, et cette qualité est indéniablement liée à son nombre… et par conséquent le “taux d encadrement” ( termes bien explicites). Et là dessus il y a de grande diversité dans tous les systemes. Comment pouvez vous réduire toutes la diversite des pratiques des écoles maternelles à une vision aussi irrespectueuse de l’enfant: muet, paralytique…. Vous vous plaignez des critiques sans connaissances (les psychologue chologues, pedopsy gnin gnin ne visitent pas plus les méchantes écoles), pas même celles de leur patients pour rencontrer l humain qui l accompagnement au quotidien)…Je regrette de percevoir souvent de beaucoup de véhémence et même de l hermetisme aux autres systemes lorsque je rencontre des personnes “Montessori”( pas toujours enseignantes, même parfois non parents). Pourqui ceux qui crient le plus forts qu ils sont les plus ouverts a la nature de l enfant,à la difference…sont souvent si peu ouvert aux autres pratiques questions….Beaucoup d enseignants de l école “classique” mettent en place des apprentissages libres, des ateliers montessori, ou inspiré, combinent leur pédagogie à partir de sources qu ils essaient d être ouvertes et variées. Ce qui compte n’est pas de croire le plus fort possible en sa chapelle mais de proposer des approches variées pour que chaque enfant puisse s ancrer dans la sienne. L’approche sensorielle et autonome de Maria Montessori est indéniable et éradique d emblèe certains fonctionnements. Mais l important n est pas de réduire à outrance les pratiques différentes, ceux qui ne vont pas recopier scrupulesement ce qui a ete montré lors du stage à grand coût, mais de continuer à se demander “et que ferait Maria Montessori maintenant”, avec nos outils, avec la nouvelle place donnee à lenfant dans nos modes contemporains. (Il manque des accents ou autre, réponse faite à partir d une tablette).
Ps: Avant de finir, merci de rester aussi ouverte et accueillante à la différence que vous le prétendez dans votre pédagogie… ne voyez pas dans cette réponse une critique de votre système mais seulement une réaction à chaud.