“A quatorze ans, à seize ans, ils sont encore soumis au traitement mesquin des mauvaises notes avec lesquelles les professeurs pèsent leur travail ; c’est une méthode analogue à celle qui pèse les objets sans vie à l’aide mécanique de la balance. Le travail est “mesuré” comme une matière inanimée, et non “jugé” comme un produit de la vie. Et c’est de ces notes que dépend l’avenir de l’étudiant. Dans ces conditions, les études constituent un fardeau écrasant qui pèse sur la jeunesse alors qu’elles devraient représenter un privilège.”
Maria Montessori : “De l’Enfant à l’Adolescent” (Ed. Desclée de Brouwer, Paris 1958)
Deux exemples de note mal attribuée :
– Hugo est un élève français ayant suivi toute sa scolarité au Lycée International Montessori. Apprenant l’anglais comme deuxième langue depuis la maternelle, il a d’abord obtenu au cours de sa scolarité tous les certificats intermédiaires de l’Université de Cambridge et a passé quasiment simultanément l’année de ses 16 ans son baccalauréat S et le diplôme du Proficiency de l’université de Cambridge qui est le diplôme de plus haut niveau organisé par “Cambridge ESOL” (English for Speakers of Other Languages). Ce diplôme est reconnu mondialement et correspond au niveau C2 ou Maîtrise défini par le Conseil de l’Europe. Il certifie un niveau d’anglais proche de celui d’une personne dont l’anglais est la langue maternelle.
Hugo a réussi brillamment son Proficiency avec B comme appréciation ce qui correspond à une note entre 75 et 79 % de réussite. En parallèle, Hugo a réussi son bac S avec mention assez bien mais n’a obtenu que 11 à son épreuve d’anglais…

Il était certain d’avoir très bien réussi cette épreuve, c’est pourquoi il est allé consulter sa copie accompagné d’un professeur accrédité par Cambridge ESOL. Il est apparu que toutes les fautes soulignées en rouge par le correcteur correspondaient non à des erreurs mais bien à l’utilisation par Hugo d’anglais littéraire allant largement au delà de l’anglais étudié dans les programmes français.
Hugo a raté la mention bien à son baccalauréat à cause de cette note d’anglais et une nouvelle correction de cette copie a été refusée par la direction du Centre des Examens.
Afin d’éviter ce type de problème de notation, à Cambridge Esol, les copies sont toujours visées par deux correcteurs.
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– Lorsque Raphaël a passé son baccalauréat S, il a obtenu la note de 5 en mathématiques (coef 7). Etant persuadé d’avoir produit une meilleure copie et conforté dans cette idée par son professeur de mathématiques à l’examen de son brouillon, il a demandé au Centre des Examens qu’on lui envoie sa copie. Il s’est alors avéré que l’examinateur avait omis de corriger une feuille double comportant un certain nombre d’exercices. Raphaël a donc renvoyé sa copie afin qu’elle soit renotée. La note finale a été 10/20 ce qui faisait passer sa moyenne générale de 10/20 à 11,9/20. L’ensemble de ces démarches a duré 4 ou 5 mois et entre temps Raphaël avait été refusé dans les écoles d’ingénieurs auxquelles il avait postulé car sa note de mathématiques était trop faible et sa moyenne générale insuffisante.
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Extrait de l’article de Marie-Estelle Pech
Le Figaro 17/06/2011
“Comment se «fabriquent» les notes du baccalauréat”
“L’harmonisation reste nécessaire : une étude a montré que, sans elle, les notes d’une dissertation pouvaient varier jusqu’à 11 points d’un correcteur à l’autre.
D’ici à début juillet, le ministère de l’Éducation nationale se réjouira de l’excellent taux de réussite des élèves au Baccalauréat. Dans les familles, on débouchera le champagne. Le taux de réussite au bac est passé de 73,5 % en 1960 à 85,8 % en 2010 et les mauvaises langues enseignantes ne manquent pas de critiquer les consignes systématiques de correction à la hausse émanant des inspecteurs de l’Éducation nationale. Certains n’hésitent pas à parler de «tripatouillage des notes»…
…discipline par discipline, académie par académie, des «commissions d’entente» rassembleront la semaine prochaine un inspecteur et certains correcteurs chargés lors d’une deuxième réunion de diffuser les consignes auprès de l’ensemble des correcteurs. La «commission d’harmonisation» qui se tient fin juin permet de prendre la mesure des divergences de notation. Le tout se passe dans des lycées devant des gâteaux secs et des jus de fruits mais avec une harmonie relative. Philippe, professeur de philosophie dans l’académie de Bordeaux, a assisté à quelques accrochages salés entre des «collègues qui ont une très haute idée de leur discipline», souvent les plus jeunes et les plus âgés, et les autres, accusés de laxisme par les premiers. «Les pressions sont surtout feutrées», explique une enseignante de philosophie, «une année, l’inspecteur nous a reproché d’avoir l’une des pires moyennes de France et nous a demandé d’être plus indulgents pour ne pas faire fuir les élèves désireux de s’inscrire en filière littéraire». En mathématiques, dit en ricanant cet autre enseignant, si la moyenne est jugée trop faible, le barème est modifié pour relever les notes. Mais si la moyenne est jugée forte, aucune modification de barème n’est adoptée…
Reste qu’une «harmonisation» des notes est essentielle pour éviter les injustices. Sans cela, certains professeurs n’hésiteraient pas à aligner des notes très faibles voire des zéros, sans se préoccuper de ce que font leurs collègues… Sans contrôle, l’aléa de la correction est considérable, comme l’ont montré dans le passé des études de «docimologie» (science de l’évaluation en pédagogie). En 2007, le chercheur Bruno Suchaud a ainsi soumis trois copies d’élèves passant l’épreuve de sciences économiques et sociales à la correction d’une trentaine de professeurs. Il existait, pour chaque dissertation, des variations très fortes d’un correcteur à l’autre pouvant aller jusqu’à onze points même si la variation est plus proche de deux ou trois points en moyenne.
Enfin, les correcteurs ne sont pas «constants» dans leur pratique de notation. Ils peuvent noter très sévèrement une copie, puis généreusement les deux autres ou inversement ! Les premières copies corrigées étant souvent les plus durement traitées… L’idéal pour arriver à une notation juste, c’est la double correction, inenvisagée par le ministère, car trop coûteuse. «La notation est pour une part un exercice subjectif, qui suppose un cadre minimum pour s’exercer de manière coordonnée. Il convient donc de ne pas la fragiliser en l’entourant d’un secret inutile», estime toutefois Jacques Legendre dans son rapport, pointant du doigt l’opacité des commissions…”
Marie-Estelle Pech
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Ces exemples, parmi beaucoup d’autres, montrent que l’état d’esprit, l’état de fatigue, les évènements de la vie privée, le niveau d’instruction du correcteur, ainsi que beaucoup d’autres paramètres, peuvent influer de façon négative et injuste sur la destinée d’un élève.
Il en va évidemment de même pendant toute la scolarité sur l’attribution des notes par les professeurs et c’est trop souvent la moyenne de ces notes qui décide de la future orientation des élèves.
Les élèves sont tous différents les uns des autres et la même note de 10/20 en expression écrire peut être une note très moyenne pour un enfant ayant de grandes facilités et une note excellente pour un enfant dyslexique.
Les notes ne doivent donc pas être un élément de jugement du niveau d’un enfant – et, par conséquent, de son orientation – et encore moins un moyen de situer le niveau d’un élève par rapport à un autre. Bien que toujours réclamées en France par les familles pour évaluation du travail de leur enfant et bien que réclamées aussi par certains enfants dans un esprit de compétition, les notes ont été supprimées dans de nombreux pays car trop subjectives, aléatoires, et mal adaptées à la réelle évaluation des capacités d’un élève.
Par exemple, les diplômes des Young Learners de Cambridge comportent uniquement un certain nombre d’écussons en évaluation du candidat (il n’y a ni réussite, ni échec, mais un niveau qui permet de passer à l’étape suivante).
Extrait de : L’éducation en Finlande : les secrets d’une étonnante réussite : “Chaque élève est important”.
“… en Finlande, la pratique de l’évaluation semble donc guidée par le souci de ne pénaliser personne et de toujours laisser sa chance à l’élève en valorisant plutôt ce qui est su que ce qui n’est pas su. « Ce qui est important, c’est que les élèves aient le sentiment d’être bons dans quelque chose. » (M. Hannu Naumanen, principal du collège Pielisjoki).
Guidée par ce principe, l’évaluation des élèves perd son caractère compétitif et angoissant et peut devenir au contraire pour eux un moyen stimulant et motivant de se situer dans une progression souple et adaptée à leur rythme…”
Paul Robert, Principal du collège Nelson Mandela de Clarensac (Gard)
J’ai toujours insisté auprès des professeurs dans mon école afin que les notes d’évaluation du travail ne soient jamais inférieures à 5/20 (en dessous de 5, la note est remplacée par la mention : non noté) et qu’elles soient toujours accompagnées par des appréciations positives basées sur la vérité, adaptées à la personnalité et aux capacités de chaque élève, afin que celui ou celle-ci ne soit jamais en situation d’échec.
Sylvie d’E.