Un article écrit par notre merveilleuse professeure de français, Marie Robert.
Episode 2 – Sortie Martin Scorcese à la Cinémathèque Française.
Classe de 2nd-1ère et Classe de Terminale.
« J’ai toujours rêvé d’être un gangster » – Les Affranchis.
C’est avec cette phrase culte, ritournelle s’accrochant dans mon esprit, que vendredi matin, j’ai attendu mes élèves sous la brume parisienne du métro Bercy, substituant discrètement le terme gangster à celui de professeur. Quel plaisir singulier que de s’apprêter à partager quelque chose que l’on aime !
Martin Scorcese : quelques lettres pour un cinéaste qui a habité l’imaginaire collectif d’une manière si intense que notre vision de New-York semble, parfois, avoir été peaufinée par lui. Mes élèves n’étaient pas encore nés alors que je découvrais, pour la première fois, les images hypnotiques de Robert De Niro dans « son » Casino. Qui pouvait mieux que ce cinéaste compléter notre programme de français en donnant une leçon sur la morale et les antihéros ? C’est ainsi plongée dans mes réflexions que j’ai été rejointe par ma classe de seconde-première, ponctuelle et heureuse de déplacer le lieu d’apprentissage sur la rive gauche parisienne, dans un quartier résolument contemporain, et par mes terminales la même après-midi. L’excitation était partagée lorsque nous nous sommes introduits dans ce haut lieu du septième art, accompagnés par les professeurs de l’Option Cinéma, David Rodes et Olivier Tellier.
Crée en 1936 par Henri Langlois, cinéphile et visionnaire, La Cinémathèque française avait pour ambition de sauver de leur destruction les films, costumes, décors, affiches et autres trésors du cinéma muet. Il est alors le premier à considérer cette pratique comme un art à conserver, restaurer et montrer. Aujourd’hui, le bâtiment, construit par le célèbre architecte Franck Gehry, auteur du Musée Guggenheim de Bilbao et de la Fondation Louis Vuitton, offre un écrin de choix aux expositions thématiques. Les élèves, le nez en l’air, contemplant les volumes disparates, ne se sont pas aperçus de l’arrivée de Florence, notre conférencière. Après avoir vu un premier extrait de film dans une salle spécialement réservée pour nous, cette dernière nous a conduit dans l’exposition quasiment vide suivant un parcours choisi.
Une première approche dans le Little Italy de son enfance suffit à nous faire comprendre les obsessions de Martin Scorcese : la famille, la fratrie, la ville. Enfant asmathique, il regarde beaucoup la télé et rêve de cinéma. Si le langage né de la nécessité de raconter, il semble que le cinéma aussi. Le jeune homme, dessinant des story-boards, devient adulte et commence à filmer ce qu’il connaît : sa mère, ses copains, son univers, donnant par la même occasion, une magnifique leçon de ténacité et d’ambition à nos élèves !
De films en aiguilles, la conférencière nous guide dans la construction d’une œuvre exigeante, avant de nous proposer l’analyse de quatre extraits, chacun ponctué par le talent magnétique de ses acteurs fétiches qu’il considère respectivement comme frère et fils : Robert De Niro et Leonardo Di Caprio. Tout au long de ces scènes, de Raging Bull au Loup de Wall Street, les élèves apprennent le langage de la caméra, bluffant notre guide par la finesse de leurs analyses. Ils parviennent aisément à rencontrer ces antihéros de pellicule, proches d’une littérature désabusée, qui nous subjuguent par leur dualité et leur irrévérence. Les secondes-premières repartent emballés, nourris par ces références qui donnent une dimension actuelle à leur programme.
L’après-midi se poursuit avec les Terminales, les confrontant aux photographies, costumes, affiches, objets culte, et aperçus de films dont la violence se mêle au génie pour dire quelque chose de notre société, pour sans cesse interroger les limites du mal, comme cette voix off obsédante qui accompagne toutes les actions des personnages. Quoi de plus philosophique que ce questionnement éthique qui revient à chacun des plans ?

La journée s’achève, les discussions se poursuivent au café, les élèves habités par le cinéma, me remercient et discutent avec une euphorie qui devrait toujours être celle des véritables journées d’apprentissage. Je reprends mon métro, plus que jamais émue, que mon rêve soit devenu réalité.
Marie Robert
Bonjour Marie, je trouve ton expérience très riche. Aurais- tu un projet à construire autour de la littérature de distopie cette année?