Notre cerveau réagit aux langues entendues dans la petite enfance et oubliées
Dans cet article paru le 18 novembre dans Sciences et Avenir Santé, vous pourrez lire tout ce que Maria Montessori a écrit il y a des années et mis en place dans ses écoles.
En effet, dans les écoles maternelles Montessori, entre 2 et 6 ans, on présente à l’enfant une très grande quantité de matériel sensoriel afin de développer au maximum les sens de l’enfant. Car on a remarqué depuis longtemps que les enfants pouvaient considérablement affiner leurs sens avant 6 ans.

Ce développement des sens permet à l’enfant de mieux développer aussi son cerveau et facilite ainsi considérablement les apprentissages.
C’est pour la même raison que j’ai décidé, il y a 25 ans, d’instaurer dans mon école : le lycée International Montessori Athéna, l’apprentissage d’une langue étrangère dès le plus jeune âge. Et ensuite au niveau des petites classes du primaire, de proposer le chinois qui est une langue avec des sons bien différents de la nôtre.
Sylvie d’Esclaibes
C’est ce que viennent de découvrir des chercheurs canadiens. Cela confirme l’importance des toutes premières années de la vie pour forger les capacités mentales.

Cette expérience a été menée avec des enfants chinois adoptés par des familles canadiennes francophones.
Les représentations mentales créées dans le cerveau d’un très jeune enfant par l’apprentissage d’une langue peuvent persister à l’âge adulte malgré la perte de la capacité à la parler”
Le cerveau d’un enfant exposé très jeune à une langue forme des représentations des sons mais on ignorait jusqu’alors si le cerveau les mémorisait durablement s’il n’était plus exposé à cette langue, expliquent les auteurs, dont Lara Pierce, une psychologue de l’Université McGill à Montréal au Canada.
EXPÉRIENCE. Pour répondre à cette question, ces chercheurs se sont intéressés à 48 filles âgées de 9 à 17 ans ayant été exposées très jeunes à différents niveaux de français et de chinois.
Ils ont fait entendre à trois sous-groupes des enregistrements de différentes tonalités très caractéristiques du chinois qui n’existent pas en français.
Le premier sous-groupe était formé de jeunes filles nées et élevées dans des familles francophones n’ayant pas appris une autre langue. Le second ne comptait que des filles adoptées avant l’âge de trois ans par des familles ne parlant que le français et n’ayant plus ensuite entendu ni parlé le chinois. Le troisième sous-groupe, regroupait des filles bilingues adoptées en Chine, ayant appris le français avant l’âge de trois ans et ayant continué à pratiquer le chinois.
RÉSULTAT. Des IRM effectuées lors de la diffusion de ces sons ont démontré que toutes les filles qui avaient exposées au chinois très jeunes – qu’elles aient ou non continué à parler cette langue – avaient une région de leur cerveau active qui ne l’était pas chez les sujets uniquement exposés au français.
“Les représentations mentales créées dans le cerveau d’un très jeune enfant par l’apprentissage d’une langue peuvent persister à l’âge adulte malgré la perte de la capacité à la parler”, concluent les auteurs de ces travaux.
La petite enfance, période de très grande plasticité du cerveau
Cela montre bien que l’organisation du cerveau est particulièrement sensible à des stimuli extérieurs durant les toutes premières années de la vie qui sont essentielles au développement mental.
“Cette fenêtre d’apprentissage optimum correspond à une période de très grande plasticité du cerveau durant laquelle les stimulations de l’environnement ont un très grand impact”, expliquent ces scientifiques. Ensuite cette plasticité diminue alors que les représentations du monde extérieur se forment et s’établissent.

VISION. Ainsi, le cortex visuel doit recevoir les stimulations provenant des deux yeux durant les tous premiers moments du développement pour pouvoir acquérir une vision binoculaire normale tout comme les oiseaux acquièrent leurs chants adultes basés sur des sons enregistrés peu après leur naissance, précisent ces chercheurs.
“La première observation neurale de ce qui se passe dans le cerveau lors des premiers moments de l’apprentissage””
SONS. “Dans le domaine du langage, la première année de la vie paraît être une période optimale pour le développement des catégories de sons de la langue maternelle réalisé par un processus d’harmonisation avec l’environnement”, soulignent-ils.

Les enfants commencent leur vie avec la capacité de distinguer les partitions de sons de toutes les langues du monde. Mais le fait d’être exposés à une seule langue accroît progressivement la sensibilité aux sons et tonalités qui y sont spécifiques au détriment des autres langues.
Les catégories phonologiques qui se forment pendant cette période renforcent l’apprentissage de la langue maternelle et fournissent les fondations nécessaires pour acquérir des niveaux supérieurs de connaissance du langage comme la grammaire et la lecture.
INCOMPRIS. “Si les recherches permettent de comprendre la formation de ces premières représentations dans le cerveau, les mécanismes cérébraux nécessaires pour les maintenir restent largement incompris”, notent les auteurs.
Selon eux, cette recherche est “la première observation neurale de ce qui se passe dans le cerveau lors des premiers moments de l’apprentissage” et de la persistance des effets.