
Le Bachelor Montessori à l’ESCE
Pendant 4 jours cette semaine, des intervenants de notre équipe, Marie Robert, Véronique Moulin, Alexandre d’Esclaibes et moi-même avons animé des journées de formations auprès des chefs de départements et des enseignants du Bachelor de l’ESCE pour lequel la pédagogie Montessori va être mise en place à partir de la rentrée de janvier 2019, en partenariat avec nous.

Ces premières interventions ont enthousiasmé l’équipe de l’ESCE qui a, vraiment à coeur, de faire évoluer leurs façons d’enseigner. Nos premières interventions ont été consacrées :
- 1ère journée : Qu’est-ce que la pédagogie Montessori ?
- 2ème journée : Les neurosciences et les apprentissages,
- 3ème journée : Poser le cadre,
- 4ème journée : L’autonomie
Cette série de formations se poursuivra au début du mois de janvier par 3 autres journées.
Les retours des enseignants sont extrêmement positifs. Je cite : “Je reçois 3/4 mails par jour de remerciements pour cette initiative Montessori et des dizaines de mails de demandes d’inscriptions pour les journées de janvier”. Ou encore “Plein d’excellents retours, cela fourmille d’idées et des profs s’inscrivent aux formations suivantes… Bref un vrai succès”.
Je suis alors ravie de partager avec vous cet article publié sur “News Tank”
Sylvie d’Esclaibes
Montessori, apprentissage par problème : la transférabilité des méthodes pédagogiques (N. Rege Colet) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Quand une institution décide de privilégier une approche pédagogique (Montessori, apprentissage par problèmes) et de la généraliser à l’ensemble de l’établissement, ce ne sont pas des ateliers de méthodes dont les enseignants ont besoin, mais plutôt d’un espace créatif et d’une autorisation sans condition à expérimenter et à s’aventurer dans des territoires inconnus », écrit Nicole Rege Colet, spécialiste de l’innovation pédagogique et chercheuse en sciences de l’éducation, dans une nouvelle chronique pour News Tank, le 19/12/2018.
Elle revient sur un article de News Tank qui décrivait comment l’ESCE (Groupe Inseec U) entendait appliquer la pédagogie Montessori à son bachelor. Nicole Rege Colet élargit le sujet à la manière dont peuvent se diffuser les innovations pédagogiques comme l’apprentissage par problèmes ou l’approche par compétences, très prisée en France. « Nous devrions pouvoir nous affranchir d’une obligation de résultat pour goûter au plaisir de la découverte et de l’innovation qui, de toute façon, finissent toujours par essaimer et amener du changement », estime-t-elle. |
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Une expérimentation pédagogique surprenanteEn septembre dernier, pour marquer la rentrée, News Tank avait fait part d’une expérimentation pédagogique surprenante avec l’adaptation de la pédagogie Montessori au niveau bachelor à l’École supérieure de commerce extérieur (ESCE) du groupe Inseec U. À l’appui se trouve une photo de deux têtes blondes, adorables bambins, en train de travailler ensemble et de manière autonome sur une tâche complexe. Cette photo nous rappelle que la pédagogie Montessori a été conçue pour des enfants des premières années de la scolarité. L’expérimentation étonnante consiste à adapter cette pédagogie au contexte spécifique de l’enseignement supérieur. Pari fou ou innovation de pointe ?D’emblée, des voix s’élèveront pour questionner la transférabilité des méthodes pédagogiques, d’autant plus quand elles ont été conçues pour un autre ordre d’enseignement. Et d’aucuns questionneront la pertinence d’un tel projet au nom de la spécificité de l’enseignement supérieur. Ce sont des arguments qui reviennent régulièrement en matière d’innovation pédagogique.
L’audace du projet de l’ESCE pourra sans doute nous renseigner sur les freins et obstacles à l’innovation et les croyances dont il faudra se délester pour oser le changement. Notons au passage que l’ESCE s’entoure de partenaires reconnus pour se donner toutes les chances et aussi pour accroître sa crédibilité, voire sa légitimité dans cette aventure. L’apprentissage par problèmesDébut novembre, j’ai participé à l’inauguration du nouveau centre d’apprentissage par problèmes (Problem-based learning) de l’Université de Roskilde au Danemark. Nous avons débuté la journée par un atelier fort intéressant réunissant enseignants, étudiants et experts internationalement reconnus de pédagogie universitaire. Lors de l’atelier, nous avons discuté les fondamentaux de l’apprentissage par problèmes : la définition d’un problème ouvert, l’autonomie des étudiants et la posture de l’enseignant, le travail en équipe, les enseignements en ligne recourant à l’APP (apprentissage par problèmes), les outils qui favorisent le travail collaboratif, sans oublier l’épineux problème de l’évaluation des apprentissages. Nous avons pu découvrir la diversité des pratiques d’enseignement qui relèvent de l’APP et, surtout, entendre l’invitation lancée par les experts qui nous ont encouragés à expérimenter, à jouer et à créer notre propre démarche d’APP. L’Université de Sherbrooke a complètement transformé ses études en médecineDans le monde francophone européen, l’APP s’est répandu dans l’enseignement supérieur à la suite de l’innovation menée par l’Université de Sherbrooke au Québec qui a complètement transformé ses études en médecine pour placer les étudiants au centre des apprentissages. D’autres facultés de médecine en Suisse et en Belgique ont rapidement emboîté le pas introduisant des modules d’apprentissage par problèmes dès la deuxième année d’études. Puis, le mouvement s’est rapidement étendu aux écoles d’ingénieurs et aux formations professionnelles dotées d’un référentiel de compétences soutenant, par la même occasion, l’émergence de l’approche-programme, une autre innovation pédagogique majeure dans l’enseignement supérieur qui connaît un vif succès en France depuis quelques années. Pour rappel et très brièvement, l’approche-programme consiste à concevoir un programme de formation universitaire autour des compétences acquises par l’étudiant au terme de la formation, puis à travailler en équipe pédagogique à la conduite de ce programme en veillant à intégrer les différents enseignements qui le composent. Des prescriptions trop précisesÀ l’époque de l’envolée de l’APP dans l’enseignement supérieur, j’ai assisté à plusieurs ateliers et journées de réflexion sur la mise en œuvre de cette nouvelle pédagogie. Tout le monde avait à cœur de prendre le tournant jugé révolutionnaire et chacun était avide de recettes, de trucs et ficelles pour bien faire. À l’époque déjà, j’avais été frappée par le caractère très prescriptif, voire normé des présentations ; tout était dans la méthode et dans le déploiement d’une procédure infaillible.
À titre d’exemple, nous avons âprement débattu pour déterminer la taille idéale des groupes des ateliers d’APP en études de médecine et le chiffre huit a été fixé comme étant la norme. Finalement, nous n’étions pas très joueurs ni téméraires dans nos explorations. Il s’agissait de répliquer aussi fidèlement que possible ce qui avait marché à l’Université de Sherbrooke et qui devait nous assurer la réussite et, pourquoi pas, nous valoir un label qualité au passage. S’intéresser à la philosophie de l’apprentissage plutôt qu’aux outilsNotre enthousiasme pour les méthodes pédagogiques éprouvées et reconnues internationalement a fini par nous jouer de mauvais tours. Pourquoi ? Parce que nous sommes devenus dépendants de notre capacité à répliquer les méthodes et de nos partenariats avec des établissements prestigieux.
Puis, nous avons été bernés par notre confiance aveugle dans la pertinence et la validité des méthodes proposées. Depuis, à maintes reprises, j’ai mis en garde contre l’illusion des méthodes et notre héritage culturel et scientifique qui accorde parfois plus d’importance aux moyens qu’aux objectifs. C’est oublier que les méthodes ne sont que les outils d’une approche ou d’une pensée pédagogique et qu’il est bien plus passionnant de s’intéresser à la philosophie de l’enseignement et de l’apprentissage qui est en amont. Les conditions d’un apprentissage en profondeurEn psychologue piagétienne, j’ai à cœur d’identifier les conditions qui favorisent un apprentissage en profondeur par opposition à un apprentissage de surface, et de comprendre ce qui permet à l’étudiant de s’impliquer dans son projet de formation et d’y prendre goût. D’ailleurs, Piaget m’a appris que les sciences de l’éducation n’ont de sens que si elles s’appuient sur la psychologie afin de proposer des pratiques pédagogiques qui respectent les principes de développement de l’intelligence chez l’enfant comme chez l’adulte. Ce qui m’intéresse dans les pédagogies innovantes, c’est de pouvoir identifier les principes fondamentaux de la psychologie cognitive qui les soutiennent et de jouer avec ces principes dans des contextes différents tout en en observant les effets.
Pour moi, il n’y a pas de pédagogie spécifique selon l’âge ou l’ordre d’enseignement ce qui pourrait paraître paradoxal pour quelqu’un qui a construit sa carrière sur le postulat d’une pédagogie de l’enseignement supérieur. Ce qui compte, c’est d’être à l’écoute des spécificités de l’apprenant et du public cible afin de proposer un environnement adapté. Connaître les caractéristiques des étudiantsDans l’enseignement supérieur, nous avons encore beaucoup à apprendre sur les caractéristiques de nos étudiants qui sont dans une phase charnière du point de vue du développement cognitif, entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte. Pour ce faire, nous avons tout intérêt à expérimenter largement et à nous inspirer des ressources pédagogiques qui nous entourent et pour lesquelles nous avons une bonne intuition. Montessori à l’ESCE : « loin de la réplication d’une méthode »Le descriptif du bachelor Montessori de l’ESCE montre très précisément comment les responsables de formation ont décliné les fondamentaux de la pédagogie Montessori. Nous sommes loin de la réplication d’une méthode et plus dans une démarche de translation. La question de la transférabilité des innovations pédagogiques n’est ni intéressante ni utile puisqu’elle risque de nous pousser en direction d’une logique de conformité. La vraie question porte sur les conditions de l’expérimentation pédagogique et le degré de liberté qu’ont les protagonistes pour innover et sortir du cadre.
C’est pourquoi quand une institution décide de privilégier une approche pédagogique (Montessori, APP) et de la généraliser à l’ensemble de l’établissement, ce ne sont pas des ateliers de méthodes dont les enseignants ont besoin, mais plutôt d’un espace créatif et d’une autorisation sans condition à expérimenter et à s’aventurer dans des territoires inconnus. Finalement, nous devrions pouvoir nous affranchir d’une obligation de résultat pour goûter au plaisir de la découverte et de l’innovation qui, de toute façon, finissent toujours par essaimer et amener du changement.
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