Ecrire très jeune est très important

Dans une école Montessori, les enfants apprennent à lire en plusieurs étapes :
- d’abord ce sont des jeux sur les sons afin que l’enfant prenne conscience qu’un mot est composé de sons
- puis une fois ceci acquis, on passe à l’apprentissage de la lettre qui correspond à ce son.

Cet apprentissage se fait par le toucher d’une lettre dite “rugueuse”. Chaque lettre se trouve tracée sous la forme de papier de verre collé sur une plaquette rectangulaire (bleue pour les voyelles et rose pour les consonnes). Voyez les photos de l’article.
Et l’enfant touche avec les doigts (placés comme s’il tenait un crayon) cette lettre tout en disant le son qui correspond. Ainsi le message est envoyé au cerveau qui retient le son et la forme de la lettre. Parfois même l’éducatrice lui propose de tracer la lettre les yeux fermés afin que la sensation soit totalement sensorielle.

L’étape suivante consiste à mettre à disposition du jeune enfant (entre 3 et 5 ans) un plateau contenant du sable ou de la semoule. Avec ses doigts l’enfant retrace à nouveau la lettre plusieurs fois dans le sable ou dans la semoule. Ainsi s’imprime vraiment dans la tête de l’enfant la forme exact de la lettre.
Plus tard, l’enfant utilise ce que nous appelons “un grand alphabet mobile”. Nous lui donnons des objets (voir article sur la lecture) et l’enfant prend chaque lettre qui compose ce mot et les pose sur un tapis ou un tableau. Donc on dit qu’il compose, qu’il écrit avant de lire.
Toutes ces étapes m’ont toujours paru essentielles, vu tout ce que l’on sait du lien entre la main et le cerveau. Vous pourrez d’ailleurs lire un article que j’ai publié il y a quelque temps sur ce sujet :
J’ai donc été ravie de lire dans le livre de Stanislas Dehaene qui est un psychologue cognitif très reconnu ce paragraphe que je vous recopie ci-dessous :

“L’apprentissage du geste d’écriture semble jouer ici un rôle crucial. Contrairement à la région “ventrale” du cerveau qui nous sert à reconnaître les objets, la voie “dorsale” qui relie la vision au cortex moteur et commande nos gestes distingue précocement l’orientation des objets. Pensez à la saisie d’une casserole : elle sera bien différente selon que le manche est orienté à droite ou à gauche. Le geste peut donc lever l’ambiguité de l’orientation des lettres. Effectivement, l’expérience montre que de simples exercices de tracé des lettres avec le doigt améliorent considérablement l’apprentissage de la lecture. Le geste d’écriture a également d’autres vertus. Il oriente l’enfant dans l’espace, en lui faisant bien comprendre que la chaîne de lettres doit être lue de gauche à droite. La reconnaissance du geste joue également un rôle essentiel dans le déchiffrement de l’écriture manuscrite. Nous reconnaissons les caractères manuscrits, en partie, en reconstituant le geste qui les a engendrés. Une aire cérébrale distincte, dans la région précentrale gauche, code simultanément pour l’écriture et la lecture. Pour toutes ces raisons apprendre à écrire “dope” nos capacités de lecture.

La confusion des lettres en miroir, comme b et d, est une propriété normale du système visuel des jeunes enfants avant qu’ils n’apprennent à lire. Son désapprentissage demande des efforts. La pratique du geste d’écriture accélère l’apprentissage de la lecture.
Il est nécessaire d’associer les activités de lecture et d’écriture. En effet, apprendre à composer des mots et à les écrire facilité l’apprentissage de la lecture à plusieurs niveaux.
De plus, comme nous l’avons déjà souligné, diverses recherches démontrent que la lecture s’améliore lorsque l’enfant pratique l’exploration active des lettres par le toucher et apprend le geste d’écriture (le tracé même de la lettre). En ajoutant un code moteur au répertoire mental des lettres, ces activités facilitent la mémoire des correspondances graphèmes-phonèmes et réduisent les ressemblances entre des lettres comme b et d qui, sinon, risqueraient d’être confondues.

Pour toutes ces raisons, des activités d’écriture et de composition de mots, à la main ou à l’aide de lettres mobiles (que ce soit sous dictée orale ou à partir d’images), où l’enfant joue un rôle actif et créatif, devraient être pratiquées tous les jours, en association très étroite avec les activités de lecture. “
Une dernière chose essentielle : si vous voulez que vos enfants écrivent, écrivez devant eux avec un papier et un crayon.

En effet nous avons tendance aujourd’hui à trop écrire sur nos ordinateurs, et nos enfants ne nous voient plus jamais écrire à la main. Comme très jeunes, ils sont totalement en “absorption” de ce que nous faisons, certains ne veulent plus écrire à la main. Ce qui crée de vrais problèmes. Je rencontre de plus en plus d’enfants d’âge des classes primaires qui ont de gros problèmes de graphisme et vont chez les ergothérapeute pour une rééducation. S’ils avaient écrit dès leur plus jeune âge, ils seraient peut-être passer à côté de ce souci.
Sylvie d’Esclaibes