De la nécessaire redéfinition du métier d’enseignant
Voici un article très intéressant de Mickaël Panel, Professeur des écoles de l’Académie de Rouen, paru le 1er juin dans Libération.
Cet article va vraiment dans le sens de la pédagogie que je mets en place au Lycée International Montessori Athéna ainsi que dans toutes les écoles que nous créons. Pour moi, il est primordial de dispenser un enseignement individualisé en fonction de chacun. C’est ce que nous faisons avec nos plans de travail individuels.
La notion de liberté est également très importante dans nos établissements : cette liberté dans un cadre que nous offrons dès la maternelle au petit enfant et qui se poursuit en primaire puis en collège et lycée. Liberté de mouvement, de choix et liberté d’être lui-même. Ne surtout pas vouloir que nos élèves soient tous pareils et apprennent de la même façon au même moment. Des êtres libres et forts qui soient aussi capables de leur propre jugement sur les choses et puissent dire non ou oui selon leur propre choix. Mais attention liberté ne veut pas dire anarchie, une liberté doit être encadrée par des règles intelligentes et adaptées à chacun en fonction de son âge.
Développer la créativité est aussi ce que nous essayons de faire par tous les moyens : activités artistiques nombreuses, expression écrite et orale, etc…
Et nous pouvons constater la réussite de cette pédagogie chez nos anciens élèves qui sont restés eux-mêmes, faisant leur choix en fonction de ce qu’ils sont et vivant comme des êtres libres, mais respectueux de l’autre et de la société.
Sylvie d’Esclaibes

TRIBUNE
“Délivrer les élèves c’est administrer à chacun ce qui est utile pour lui, c’est créer les conditions d’une fourmilière sans atomiser l’unité classe.
Les débats autour de l’école ont ceci d’inquiétants qu’ils ne parlent jamais de l’éducation, mais d’une certaine image de l’école qui n’a jamais existé. Ils sont révélateurs d’une méconnaissance totale du métier d’enseignant que l’on définit encore principalement comme transmetteur de connaissance. Il va de soi que si enseigner c’est transmettre la culture, c’est aussi et surtout la mise en place de conditions adaptées à chacun afin que tous s’approprient cette culture. Mais cela ne suffit pas.
UNE MUTATION DU MÉTIER
Le but de l’école n’est pas que l’élève soit cultivé (fonction passive) mais qu’il se cultive. L’élève élevé doit devenir agent, c’est-à-dire créateur de culture. Et c’est là où le métier d’enseignant prend tout son sens. Celui qui croit qu’enseigner c’est délivrer un contenu, prend les élèves pour des chèvres et les enseignants pour des gardiens de troupeaux. Enseigner c’est faire en sorte que l’élève sorte de son ignorance, développe son jugement et devienne soi-même. Mais pour reprendre la métaphore de mon professeur de philosophie, si l’école est l’hôpital de l’esprit, alors les cours, les exercices et les devoirs ne peuvent pas être les mêmes pour tous. Croire que délivrer le même traitement à tous les malades suffirait à les guérir tous, c’est oublier les effets indésirables.
Délivrer les élèves c’est administrer à chacun ce qui est utile pour lui. C’est pourquoi le métier d’enseignant est un métier : c’est aider chacun, accompagner chacun. C’est une profonde mutation du métier qu’il faut faire. L’enseignant ne peut plus être cet ouvrier qui répète sans cesse et sans cesse les mêmes actions, distillant çà et là quelques aides pour des élèves en difficultés. Si je donne encore de l’herbe à ma chèvre malade, elle mourra d’indigestion. Et les autres quitteront les prés pour aller voir si l’herbe de l’école privée est meilleure. Non, c’est toute la pédagogique qui doit s’articuler autour de chacun. Et ce n’est plus, je le sais, ce métier fantasmé du Hussard de la République. Ni ce métier fantasmé par les intellectuels.
UN PASSAGE DE CULTURE

Je ne me ferai pas avoir par la critique conservatrice car toute culture vise son propre dépassement. Descartes, je le rappelle, écrit qu’il faut négliger les textes et les enseignements des anciens, argumentant en faveur de leur inutilité et de leur nocivité pour penser. Le conservatisme est nécessaire à l’école mais insuffisant. Le métier d’enseignant est celui de passeur de culture, mais l’idéal de cet enseignant c’est que l’élève dépasse le maître, c’est-à-dire qu’il accède lui aussi à sa propre culture. C’est pourquoi l’enseignant doit développer aussi le potentiel créateur de chaque élève et c’est dans cette exploration que nos si chers fondamentaux seront aussi étudiés (certains les réclament encore pensant peut-être qu’on fait du tapioca en classe). Que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas écrit : il ne s’agit pas de faire des élèves des créateurs de génie : prétention absurde. Mais au moins de leur montrer ce vers quoi doit tendre leur éducation : devenir eux-mêmes des individus libres, libres de jugements et de culture.
C’est pourquoi enseigner, ce n’est plus faire un cours pour 25 élèves (euh… 28-29-30 !) mais des cours pour tous les élèves. C’est réfléchir en amont de la classe sur l’organisation de la classe afin que chacun y travaille, conformément aux programmes et bien plus, en fonction de ses besoins. C’est créer les conditions d’une fourmilière où chacun vaque à ses activités intellectuelles au service de soi-même et de tous. Le risque, c’est d’atomiser l’unité classe. C’est un risque qu’il faut dépasser et que l’on dépasse par l’interaction, par l’échange de cultures, par des moments de partages.
Conserver la culture, développer la culture créatrice de chacun dans toutes ses branches, aider chaque élève individuellement, organiser la classe en fonction de ces objectifs, c’est bien plus que l’image fantasmée du métier d’enseignant. C’est aussi, je le crois, plus difficile mais plus passionnant. On comprendra ainsi pourquoi le métier d’enseignant est utile pour tous, que l’école publique est faite pour tous, que l’on y aide les plus faibles sans empêcher les meilleurs de s’épanouir.”
À l’attention de Sylvie d’Esclaibes : superbes réflexions, et je me réjouis, voyez-vous, de tenter de transmettre ce message en ce moment même dans quelques écoles primaires de… Tunisie, où des inspecteurs de langue française m’invitent à intervenir pour des actions de THÉÂTRE.
CELA DIT : je vais me permettre un gros BÉMOL, pour ne pas dire un gros REPROCHE : vous assimilez sans nuance l’excès de liberté (en quoi je vous rejoins) à ce que vous nommez “anarchie” ! L’anarchiste de longue date que je suis doit vous instruire : ceci ne montre que votre ignorance. Vous INSULTEZ l’anarchie et l’anarchisme, Sylvie.
L’anarchisme est un humanisme : c’est le plus haut niveau de RESPONSABILITÉ de l’individu, dans le respect de l’autre, dans le souci de l’équité, du bien commun, HORS POUVOIRS qui décident ce qui est “bien pour nous”. Vous voyez que c’est l’exact contraire du raccourci sommaire et insultant que vous faites. Je le regrette d’autant plus que la haute qualité de votre action vous accorde -et c’est justice- une belle audience, laquelle hélas recevra votre “message” si grossier envers l’anarchie.
Mais pour vous instruire, je ne pourrai jamais mieux faire que vous conseiller de (re-)voir le formidable film “Sacco et Vanzetti” qui ne prend pas une ride.
Avec toute mon estime (sans la moindre ironie !)
François Grange
Bonsoir et merci pour votre commentaire. Lorsque je parlais d’anarchie, je pensais à ces deux définitions du “Larousse” et notamment à la deuxième:
“État d’une société caractérisée par un gouvernement ne disposant pas de l’autorité nécessaire, et en prise à des conflits désordonnés : Faire sortir un pays de l’anarchie.
État de désordre, de confusion dans un domaine d’activité, du fait de l’absence de règles, ou de leur inobservation.”
Désolée de vous avoir offusqué.
Avec tout mon respect (aussi sans ironie !).