
“Le professeur ne doit pas apprendre des pensées, mais à penser. Il ne doit pas porter l’élève mais le guider si l’on veut qu’à l’avenir il soit capable de marcher lui-même.” Emmanuel Kant (1724-1804) Propos de pédagogie.
D’abord il y a les lettres, les voyelles et les consonnes, tous ces petits dessins harmonieux que l’on apprend à tracer en deux coups de crayon, raides ou incurvés, durs ou moelleux selon son caractère, son humeur ou l’émotion de l’instant, ces voyelles qui chacune véhiculent une émotion, le A du contentement ou le O de la surprise, le E de l’interrogation…

Ces consommes qui chacune ont une image: une aile ou une victoire, la hache du bûcheron ou le té de l’architecte… Et puis ces mots que l’on assemble avec ces lettres et qui chacun deviennent un objet, un geste, un concept…

Prenons quelques lettres, construisons un mot et laissons notre esprit vagabonder… Le mot est un puissant vecteur de l’imaginaire… Il nous emmène bien au-delà de son sens propre dans des contrées où l’esprit créatif s’évade. Il raconte une histoire ou un évènement, un souvenir, un rêve… Et que dire de la phrase avec ses noms, ses verbes, ses articles, ses adjectifs… ? Elle est à elle seule un paysage, un continent, un univers !… Arrêtons-nous un peu et laissons s’épanouir la phrase… C’est une œuvre d’art…

Elle est capable à elle seule de nous emporter comme une feuille au vent dans un voyage où les souvenirs, l’imaginaire et le fabuleux se mêlent dans un tourbillon puissamment coloré, empli de clameurs et de musique, de saveurs et de parfums… Ajoutons enfin le rythme des syllabes, choisissons la couleur des mots, construisons à notre goût l’architecture et le décor du texte, composons la Symphonie et laissons-nous emporter loin, très loin, dans un fabuleux voyage au sein du vaste univers de l’écriture.
“Là où l’on brûle les livres, on finit par brûler des hommes”. Heinrich Heine

Les incinérations de livres se sont multipliées dans l’histoire à toutes les époques et partout dans le monde. Elles ne visaient pas seulement à éradiquer des idées. Les livres étaient anéantis par volonté d’effacement de la mémoire et de l’histoire, c’est-à-dire de l’identité des peuples. Certaines incinérations de livres ont laissé de profondes cicatrices dans l’histoire de l’humanité.
Par un décret de Ptolémée III, tous les visiteurs et habitants d’Alexandrie étaient tenus de remettre tout matériel écrit en leur possession aux scribes qui en faisaient une copie pour leur propriétaire, gardant l’original pour la bibliothèque. Ce mécanisme permit de rassembler une collection unique de papyrus, rouleaux et codex généralement considérée comme la collection la plus vaste et la plus complète jamais rassemblée dans le monde antique.

La bibliothèque fut incendiée lors des émeutes fomentées par les moines cénobites, encouragées par l’évêque Cyrille, qui aboutirent au lynchage d’Hypatie, mathématicienne et responsable de la Bibliothèque, obéissant ainsi au décret de l’empereur chrétien Théodose 1er visant à éliminer toute trace de paganisme en Égypte.
Le 7 février 1497, Savonarole éleva le “Bûcher des Vanités” sur la Piazza della Signoria à Florence. Ses jeunes disciples furent envoyés de porte en porte pour collecter tous les objets liés à la corruption spirituelle: miroirs, cosmétiques, jeux, nus peints et belles robes, et surtout les livres, les livres non-religieux et les écrits des poètes jugés immoraux comme ceux de Boccace ou de Pétrarque…

De nombreux chef-d’œuvres de la Renaissance disparurent ainsi dans les flammes, y compris des peintures de Botticelli que l’artiste avait lui-même apportées au bûcher.

En juillet 1562, à Mani au Yucatan, l’évêque Diego de Landa ordonna de brûler cinq mille “idoles” et 27 rouleaux hiéroglyphiques de la grande civilisation Maya. L’évêque observa : “Nous avons trouvé un grand nombre de ces livres dans ces caractères et, puisqu’ils ne contenaient rien d’autre que superstition et mensonges du diable, nous les avons tous brûlés, ce qu’ils (les Mayas) regrettèrent à un degré étonnant et ce qui leur causa une grande affliction“.
On ne compte plus les bûchers dans lesquels disparurent des dizaines de milliers de livres – et des milliers de victimes – accusés de paganisme par l’Inquisition.

Le premier autodafé nazi eut lieu le 10 mai 1933 sur la Bebelplatz à Berlin. Il fut suivi par d’autres à Brême, à Dresde, à Francfort-sur-le-Main, à Hanovre, à Munich et à Nuremberg. Ainsi disparurent les ouvrages de Bertolt Brecht, d’Alfred Döblin, de Lion Feuchtwanger, de Sigmund Freud, d’Erich Kästner, d’Heinrich Mann, de Karl Marx, etc, etc…
Les franquistes organisèrent le 30 avril 1939 un autodafé de style nazi à l’Université de Madrid où furent brûlés des livres de Maxime Gorki, Sabino Arana, Sigmund Freud, Karl Marx, Lamartine, Jean-Jacques Rousseau ou bien encore Voltaire.
De 1998 à 2001, les Talibans détruisirent les 55 000 livres rares de la plus ancienne bibliothèque d’Afghanistan.
De nos jours, chez nous, les méthodes ont changé, mais le livre fait toujours peur, non pas par les idées dangereuses qu’il pourrait véhiculer, mais tout simplement parce que la lecture engendre la réflexion et la réflexion est le début de la sédition… Notre société a inventé la meilleure façon de supprimer les livres : retarder l’apprentissage de la lecture afin que celle-ci devienne un exercice difficile, enseigner globalement une centaine de mots quand la magnifique langue française en compte des milliers, promouvoir les livres “savonnette” vendus en supermarché, encourager la culture du langage texto et abêtir le peuple à grand renfort de publicité et d’audimat…

“On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence. La censure, aujourd’hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas les livres d’adversaires, ce ne sont pas les idées séditieuses que l’on condamne au bûcher de l’oubli : ce sont tous les livres et toutes les idées. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple : parce qu’ils n’attirent pas assez de public, parce qu’ils n’entraînent pas assez de publicité, parce qu’ils ne rapportent pas assez d’argent. La dictature de l’audimat, c’est la dictature de l’argent. C’est l’argent contre la culture.” Jean d’Ormesson

“L’envie de lire est un prédicteur fort de réussite scolaire, toutes les études le démontrent, car la lecture reste nécessaire dans tous les domaines. La motivation est le point de départ : “Pour entrer dans cette tâche au départ abstraite et répétitive pour un enfant, il faut une certaine dose de motivation. Certains jeunes ne voient pas les enjeux de la lecture. Pour eux, c’est un outil purement scolaire et désagréable”. Bruno Germain – Observatoire national de la lecture.

Dans toute démarche de réflexion, il y a nécessité à se détacher des autres, à prendre du recul par rapport à l’opinion universelle. Penser par soi-même, c’est remettre en question, et questionner, c’est douter… Le doute provoque un décalage, un écart qui se creuse et qui peut créer une solitude, une mise à l’écart… Penser par soi-même, est-ce s’isoler ? – Cours de philosophie.

“La Raison est la seule source de lumière identifiable par tous les hommes. Elle est l’argument qui donne à l’homme sa dignité et lui permet de réfuter les idéologies et les superstitions tendant à le maintenir sous l’autorité de puissances lui déniant le droit d’être lui-même. C’est sur cette idée-là que repose le fondement humaniste des Lumières. C’est pourquoi il paraît essentiel, en vue de la pérennité de l’esprit des Lumières, de veiller à ce que tous les êtres humains soient éduqués à l’usage de la raison.” Claude Delbos
Joël Philippin-Stefansen
Thank You. We’ll try to make it. Kind regards. Sylvie et Joël