Dans un précédent article sur le matériel indispensable dans une classe de maternelle Montessori, j’avais évoqué l’importance du matériel constituant ce que nous appelons « la vie pratique ». Cet article sera consacré aux matériels sensoriels.
La période de la vie qui va de 2 ans 1/2 à 6 ans est une période de croissance physique rapide, en même temps qu’une période de formation des fonctions psychiques et sensorielles. A cet âge, l’enfant développe ses sens.
Nous pouvons donc aider le développement des sens, précisément à cet âge, en graduant et en adaptant les stimulants ; de la même façon qu’il faut aider à la formation du langage avant qu’il soit complètement développé.
L’éducation des sens permet de détecter et éventuellement corriger des défauts qui passent encore aujourd’hui inaperçus dans les écoles « traditionnelles » du moins jusqu’à la période pendant laquelle ces défauts se manifestent avec évidence et sont alors quasiment impossibles à corriger ; il en résulte une inadaptabilité au milieu (surdité, myopie, etc…).
L’éducation sensorielle est difficile chez l’adulte, comme le devient l’éducation de la main pour le pianiste. Il est donc indispensable de commencer l’éducation des sens dans la période de formation, si nous voulons, par la suite, perfectionner ces sens.
L’éducation des sens permet également à l’enfant d’être un meilleur observateur de son milieu. Les hommes de notre civilisation sont des observateurs du milieu, parce qu’il leur faut en utiliser au maximum toutes ses richesses. Toutes les découvertes qui ont transformé notre monde se sont développées grâce à l’observation du milieu.
De la même façon, l’art se base sur l’observation de la réalité. Il faut donc préparer les nouvelles générations à cette aptitude. Grâce aux observations, nous avons vu naître la découverte des rayons, des ondes, etc…
L’éducation sensorielle doit donc être commencée avec méthode dés le plus jeune âge, et continuer pendant la période de l’instruction qui permettra à l’individu de sa mouvoir dans son milieu.
Autrement nous isolons l’homme du milieu : quand nous croyons compléter l’éducation par la culture intellectuelle, nous faisons des penseurs qui vivent hors du monde.
L’éducation sensorielle est également nécessaire, comme base de l’éducation esthétique et de l’éducation morale. En multipliant les sensations, et en développant la capacité à apprécier les plus infimes différences entre les stimulants, on affine la sensibilité. La beauté réside dans l’harmonie, non dans les contrastes, et l’harmonie est affinité ; il faut donc une finesse sensorielle pour la percevoir.
Les harmonies esthétiques de la nature et de l’art échappent à ceux dont les sens sont peu développés. Le monde en est réduit et âpre. Il existe dans notre milieu quantité de sources de joies esthétiques devant lesquelles ils passent sans les voir, comme des animaux, cherchant la jouissance dans les sensations fortes, parce que ce sont les seules qui leur sont accessibles.
L’habitude du vice nait souvent dans les jouissances grossières ; en effet, les forts stimulants n’aiguisent pas la sensibilité, mais, au contraire, ils atténuent les pouvoirs de perception des sens en créant une acoutumance qui provoque un besoin de stimulation toujours plus violente.
Les sens sont des organes de « préhension » des images du monde extérieur, nécessaires à l’intelligence, comme la main est l’organe de préhension des choses matérielles nécessaires au corps. Mais les sens et la main peuvent s’affiner au-delà de leur simple rôle.
L’éducation qui élève l’intelligence doit élever toujours davantage ces deux moyens, capables de se perfectionner indéfiniment.
Le matériel sensoriel Montessori est constitué par une série d’objets groupés selon des qualités déterminées telles que la couleur, la forme, la dimension, le son, le degré de rugosité, le poids, la température, etc…
Ainsi par exemple, un groupe de clochettes qui reproduisent les tons musicaux, un ensemble de plaquettes de différentes couleurs, un ensemble de solides ayant la même forme dans des dimensions graduées ; d’autres objets qui se différencient entre eux par la forme géométrique ; d’autres encore de poids différents et de même grandeur, etc….
Chacun de ces ensembles comporte la même qualité, mais à un degré différent : il s’agit donc d’une graduation, dans laquelle la différence d’objet à objet varie régulièrement et, quand c’est possible, mathématiquement.
Si vous préparez du matériel sensoriel à la maison, il faut toujours qu’il varie par une seule qualité.
Si vous voulez, par exemple, préparer des objets qui servent à faire distinguer les couleurs, il faut les fabriquer dans la même substance – forme et dimension – et ne les différencier que par la couleur.
Si vous voulez préparer des objets dont le but est de faire observer les tons de la gamme musicale, il faut que ces objets soient parfaitement semblables en apparence, comme, par exemple, les clochettes dont nous nous servons dans nos classes Montessori : elles ont la même forme et la même dimension, et se posent toutes sur un socle identique ; mais, en les frappant avec un petit marteau, elles donnent des sons différents ; c’est l’unique différence perceptible aux sens.
D’un point de vue psychologique, on a remarqué que, pour mieux révéler la qualité particulière, il faut, autant que possible, isoler les sens : une impression tactile est plus claire s’il s’agit d’un objet qui n’est pas conducteur de la chaleur, c’est-à-dire qui n’apporte pas en même temps des impressions de température ; et l’impression sera d’autant plus perceptible si le sujet se trouve dans un endroit obscur et silencieux où il ne peut percevoir ni impulsion visuelle ni auditive susceptibles de troubler ses impressions tactiles.
Il faut ensuite que le matériel proposé à l’enfant comporte toujours le contrôle de l’erreur. Ce contrôle de l’erreur amène l’enfant à accompagner ses exercices d’un raisonnement ; son sens critique et son attention sont toujours plus tendus vers l’exactitude, avec un affinement qui lui permet de distinguer les différences les plus infimes ; la conscience de l’enfant est ainsi préparée à contrôler ses erreurs, même quand ce ne sont plus que des erreurs matérielles.
Le matériel doit toujours être esthétique – il faut que les objets proposés aux enfants soient attrayants. Il faut soigner la couleur, le brillant, l’harmonie des formes, et ceci pas seulement dans le matériel sensoriel mais dans tout ce qui entoure l’enfant.
Ce matériel doit entraîner l’auto-activité de l’enfant. L’intérêt de l’enfant doit toujours être maintenu, tant par la qualité continue des objets que dans les possibilités d’activités qu’ils lui offrent.
Encore une fois, ce matériel sensoriel ne se trouve que dans la classe de maternelle dispensant la pédagogie Montessori. Et ceci prouve encore une fois l’importance de scolariser vos enfants dans les écoles Montessori.
Dans un prochain article, j’établirai la liste du matériel sensoriel qui doit toujours se trouver à la disposition des enfants dans une classe de maternelle Montessori.
Sylvie d’Esclaibes