Episode 3 ! Les nouvelles du Togo ! Encore plus de fierté !

Au commencement était l’émerveillement. Celui que l’on aperçoit quand l’œil s’écarquille, quand les mains se tendent, quand la curiosité envahit tout le visage avant de laisser place à la concentration, et de diffuser, au creux d’un sourire, tout le plaisir de la découverte. C’est cet étonnement que les grecs plaçaient comme l’origine de la philosophie, et c’est ce même étonnement qu’Alexandre suscite chez les enfants qu’il rencontre, aussi bien à l’aide du matériel, que de sa volonté de transmettre la pédagogie.

Les jours passent, et avec eux, la détermination s’installe, elle prend forme, et dessine les contours de ce beau projet. Si nous avons fait le choix de ne pas nous limiter à un don financier, c’est précisément parce qu’une méthode comme Montessori englobe toute la personne et se tisse d’expériences. Il fallait donc y aller pour vivre, ressentir, traverser, comprendre, rencontrer. Il fallait du concret, et Alexandre, en vertu de l’éducation qu’il a reçue, a la carrure qu’il faut pour affronter cette mise en réalité.

C’est donc avec cette énergie qu’au sixième jour, nous apprenons avec une immense fierté et une excitation sans pareil, qu’il vient de demander au menuisier d’installer les étagères afin d’entreposer le matériel que nous avons passé des soirées entières à préparer. Déjà la veille, les tables avaient été coupées à hauteur d’enfants selon les principes définis par Maria Montessori. Le fils de Sylvie a sa première classe confirmant sa lignée ! Il a apprivoisé les lieux, et peut y ranger tout le matériel apporté, avant de le présenter aux enfants et de compléter l’aménagement par des tapis. Ce geste est fondamental. Car créer une salle, c’est créer un espace pour la connaissance, pour le savoir, mais c’est aussi créer l’horizon d’un retour. Les enfants l’ont compris, gagnant en confiance, en joie de vivre, en humour, en familiarité.

Quelle émotion indescriptible pour nous, ici, à Bailly, que de voir nos pochettes, nos élastiques, nos jetons, nos cartes de nomenclature, habiter un autre lieu, être touchés par des mains d’enfants fascinés ! Comment trouver les termes adéquats pour dire nos frissons en voyant des enfants allongés par terre en train de chercher des mots ? Comment ne pas se répéter que nous faisons le plus beau métier du monde quand on constate que cette approche, à laquelle nous nous consacrons si activement, est capable de produire un tel bonheur ? Quelle satisfaction de voir les lettres rugueuses fabriquées si adroitement par le talentueux Joël Philippin-Stefansen manipulées par ces petits ! Cette salle de classe, c’est un monde qui s’ouvre. Un monde de possibles. Un monde qui, des Yvelines à Lomé donne une autre appréhension de l’existence, qu’on soit ou non privilégié.

Les grecs disaient que cet émerveillement était le point de départ de l’amour et de l’admiration, et que liées ensemble, ces deux instances donnaient la philosophie car la sagesse était avant tout une rencontre capable de modifier notre trajectoire. Souhaitons alors que notre sagesse ne cesse de grandir ! Car si la vie de ces enfants est transformée par la pédagogie, et que nous ne cesserons de nous battre pour leur donner toujours plus, celle d’Alexandre est aussi transformée par ces contacts qui lui donnent une ambition inépuisable et qui ajoutent encore un plus d’intensité à son courage et à sa générosité. De notre côté, c’est notre fierté qui possède une amplitude infinie !

Marie.